Ma Patrie a mal et me l'a dit hier matin. Ma Patrie a toujours eu mal, mais ne me l'a jamais dit, jusqu'à hier matin. Voilà deux mois que la chose l'a prise, voilà un mois que la chose la quitte. Ma patrie a mal et me l'a dit hier matin. Elle ne soupçonnait rien, mais savait tout, jusqu'à il y a deux mois. Elle était partie pleurer dans son coin quand elle avait eu mal pour les premières fois au poing. Elle s'était tue et ne parlait plus que par des larmes de sang. Ma patrie avait mal et ne l'avait jamais dit.
Mais peu à peu la chose la gagna et ma patrie avait dû prendre le lit. Un mois durant, ma patrie brûlait dans les feux de la fièvre, mais un mois durant ma patrie chanta ses premiers hennissements. Ma Patrie avait la fièvre, elle se tordait dans ses draps rouges mais elle criait le mal qui la rongeait. Ma Patrie avait mal, mais elle avait décidé de le crier. Ma Patrie se tortillait mais ma patrie avait fini par l'expulser. Satan de ses entrailles jaillit, et Ma Patrie comme une mère enceinte, après sa tâche accomplie, se plongea dans un sommeil en demi-teinte. Pourtant, le mal la rongeait encore, et Ma Patrie en son sommeil ne vit que des cauchemars. Ma Patrie avait mal et me l'a dit hier matin.
Ma Patrie rassembla ses dernières forces et buta, hors d'elle, trente-six milles microbes. Ma Patrie a encore la fièvre et son visage, de quelques opportunistes, est maintenant recouvert. Mais Ma Patrie n'a plus si mal et son sourire me l'a dit aujourd'hui matin: Ma patrie a fait un rêve hier soir.